Le cas de Roland, 88 ans, n’est pas isolé. La maison familiale de cet octogénaire est squattée par plusieurs individus qui ne sont pas expulsables avant la fin de la trêve hivernale. Roland s’était absenté de son logement pour rendre visite à son épouse, en Ehpad. Une absence qui a permis à plusieurs personnes de prendre possession de l’habitation en changeant les serrures.
Les squatteurs sont au courant de la loi et en tirent profit
C’est un fait : les squatteurs sont au courant de la loi et en tirent profit. S’ils sont dans les lieux depuis plus de 48 heures et qu’aucune trace d’effraction n’est constatée, ils devient ardu de les déloger. Ce cauchemar, de nombreux Français le vivent chaque année. Pourtant, la nouvelle loi en vigueur prévoit que les squatteurs soient expulsés en seulement 72 heures, contre deux à trois ans en moyenne, auparavant.
Mais alors, pourquoi les affaires de squats se multiplient-elles dans notre pays ? Il faut déjà effectuer une distinction entre résidence principale et logement secondaire, précise Me Beaussier auprès de Midi Libre. La résidence principale étant mieux protégée que la secondaire, si les squatteurs investissent la seconde, il sera d’autant plus dur de les déloger.
« Lorsqu’il s’agit de votre résidence principale, vous pouvez faire marcher le délit de ‘flagrance’ », explique Karine Beaussier. Mais pour cela, il faut parvenir à conjuguer plusieurs conditions : prouver l’effraction du squatteur (qui bien souvent change les serrures), porter plainte et apporter un titre de propriété. Un laps de temps qui peut s’avérer long, d’autant plus qu’apporter la preuve d’une effraction n’est pas une mince affaire.
Le préfet peut hésiter à intervenir dans certaines situations
« Une procédure classique, cela peut prendre jusqu’à 3 ou 4 mois », insiste Me Beaussier. De plus, seul le préfet peut au terme de la procédure mandater les forces de l’ordre pour ordonner l’expulsion des squatteurs. Là encore, le temps peut paraître très long. Si des enfants en bas âge se trouvent dans le logement squatté, le préfet peut hésiter à intervenir, explique Le Figaro Immobilier. Il peut notamment invoquer l’intérêt général et le maintien de l’ordre public pour ne pas appliquer le droit de propriété.
Me Caroline Caussé, qui défend un couple de retraités marseillais, précise : « Le trouble à l’ordre public peut justifier de ne pas appliquer immédiatement le droit de propriété (…), il s’agit de l’appréciation au cas par cas des intérêts en présence. »
La nouvelle loi pour déloger les squatteurs, « de la poudre aux yeux » ?
Généralement, c’est la notion de « droit au logement » qui permet aux squatteurs de ne pas être délogés immédiatement. Ainsi, chaque expulsion doit être accompagnée d’une solution de relogement, comme le préconisent les associations. Seulement, la plupart du temps les dossiers traînent car les solutions sont peu nombreuses. « L’État fait financer par des particuliers une politique publique (loi du droit au logement opposable) », s’indigne Me Caussé.
S’ajoute à cela la trêve hivernale, qui impose de ne pas déloger les squatteurs durant l’hiver. Cette année, en raison de la pandémie, la fin de cette trêve a été repoussée au mois de juin.
En clair, déloger des squatteurs d’une propriété principale n’est pas une mince affaire, malgré l’accélération de la procédure. Si les squatteurs ont pris possession d’un logement secondaire, les propriétaires sont d’autant plus démunis. « La nouvelle loi ne changera rien. C’est de la poudre aux yeux ! », dénonce ainsi Me Plaisant auprès du Figaro.