Société

Peut-on vraiment « mieux gagner sa vie » au chômage qu’en travaillant ?

Emmanuel Macron
Crédits : BFMTV.

Lors de son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a défendu sa réforme de l'assurance-chômage en employant l'argument suivant : un chômeur pourrait gagner plus que lorsqu'il travaillait. Est-ce vrai ? On fait le point.

« En France, on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu’en restant chez soi, ce qui n’est actuellement pas toujours le cas », a assuré le chef de l’État face aux Français. Une déclaration qui laisse entendre que certains chômeurs auraient financièrement intérêt à ne pas retrouver un travail. Vrai ou faux ?

Une argumentation basée sur un mode de calcul bien spécifique

Sur quels chiffres Emmanuel Macron se base-t-il pour énoncer cet argument ? En réalité, la phrase du président de la République ressemble fort à celle prononcée par Muriel Pénicaud, ministre du Travail en 2019. Celle-ci avait affirmé qu’« un demandeur d’emploi sur cinq » profitait d’une allocation « supérieure à la moyenne de ses revenus ». En clair, près de 20 % des demandeurs d’emploi percevraient plus chaque mois que lorsqu’ils travaillaient. Une statistique qui se basait sur une fiche Pôle Emploi publiée en mars 2019 et déjà remise en cause par plusieurs médias.

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©instagram /@emmanuelmacron

Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur le mode de calcul des allocations chômage. Pour rendre ses conclusions affirmant que certains allocataires gagnaient plus au chômage, Pôle Emploi se basait sur des salaires mensuels moyens. Une méthode de calcul qui abaisse les anciens revenus des chômeurs, fait savoir à France Info Mathieu Grégoire, sociologue spécialiste de l’assurance-chômage. Ce dernier dénonce une étude « lamentable » de Pôle Emploi qui effectue des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être.

Pour effectuer ces statistiques, Pôle Emploi préfère mettre en parallèle les périodes de « travail et inactivité » avec celles de « chômage ». Comme l’explique Mathieu Grégoire, ce mode de calcul fausse les résultats. Il faudrait en réalité ne comparer que les périodes de « travail » avec celles de « chômage ». Pour mieux le comprendre, prenons l’exemple de Justine, une travailleuse fictive.

Le cas de Justine

Justine travaille 8 jours par mois pendant 11 mois, rémunérés au SMIC. Elle touche donc un salaire mensuel moyen inférieur à 500 euros. Justine perçoit ensuite le chômage et Pôle Emploi lui verse une allocation de 920 euros mensuels pendant 4 mois. Bien que Justine soit indemnisée sur une période plus courte que celle de son travail, elle touche en effet plus que son ancien salaire. Avec le calcul prôné par Mathieu Grégoire, le résultat est tout autre.

Pour s’assurer que le travail paie plus que le chômage, le sociologue préconise de comparer uniquement les périodes de « travail » avec celles de « chômage ». Voici le calcul que cela donne avec l’exemple de Justine. Cette femme a gagné 4.664 euros en 88 jours de travail . Une somme que l’on obtient en multipliant 88 (nombre de jours travaillés) au SMIC journalier de l’époque : 53 euros net. Une fois au chômage, Justine est indemnisée 120 jours. Elle perçoit au total 3.680 euros, soit 984 euros de moins que son ancien salaire.

En outre, l’article L5422-3 du Code du travail prévoit qu’« un jour de salaire soit toujours supérieur à un jour d’indemnité chômage », rappelle le chercheur. Néanmoins, Mathieu Grégoire concède que dans une infime minorité de cas, il soit possible de « gagner plus en étant au chômage 30 jours qu’en travaillant dix jours ».

Cette bataille autour des chiffres met donc en opposition deux modes de calcul de l’allocation chômage : l’une se basant uniquement sur le travail, l’autre englobant aussi les périodes d’inactivité. Une seconde option qu’Emmanuel Macron souhaite justement voir entrer en vigueur cet automne avec la modification du salaire journalier de référence (SJR). Un mode de calcul que beaucoup estiment injuste et qui s’avère pour l’instant bloqué par le Conseil d’État.