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Ce syndrome étrange lui fait voir des poitrines opulentes partout


Après une simple opération des yeux, un homme s’est retrouvé plongé dans un tourbillon d’hallucinations aussi gênantes que spectaculaires. Pendant dix jours, une femme aux formes démesurées a envahi son quotidien, au point de le pousser à s’isoler. Une histoire surprenante qui révèle un syndrome peu connu… et un cerveau bien plus créatif qu’on ne l’imagine.

Mark Bryan pensait simplement régler un problème oculaire. En août, cet ancien professeur britannique de 45 ans subit une intervention au laser destinée à réparer sa rétine abîmée par une rétinopathie diabétique. Rien de plus banal, selon les médecins. Mais moins d’une semaine plus tard, alors qu’il prépare son repas dans sa cuisine, quelque chose surgit dans son champ de vision. Ou plutôt quelqu’un : une silhouette féminine aux formes amplifiées, impossible à ignorer, comme sortie tout droit d’un fantasme de plage californienne.

Ce qu’il décrit ensuite frôle l’irréel. Une femme imaginaire, qu’il baptise Taloula, commence à l’accompagner partout. Sourire pétillant, poitrine spectaculaire, présence insistante. « Comme une Pamela Anderson collée à mon visage », raconte-t-il avec un humour embarrassé. Mais derrière le rire, la peur s’installe vite.

Dix jours à vivre avec une vision qui ne le lâche plus

Les apparitions deviennent incontrôlables. Taloula surgit lorsqu’il se brosse les dents, lorsqu’il regarde la télévision, lorsqu’il ferme simplement les yeux. Le cerveau de Mark semble décidé à lui imposer ce personnage, vingtaine de fois par jour, sans répit. Très vite, ce qui ressemblait à une scène digne d’une comédie devient un véritable trouble du quotidien.

Dans la rue, dans les files d’attente, au supermarché, le phénomène s’intensifie : des poitrines imagées se superposent aux visages des inconnus. Mark ne sait plus comment réagir, ni comment cacher ce qu’il voit. À bout, il préfère ne plus sortir. Son monde se rétrécit au rythme de ces visions intrusives.

« C’était drôle deux jours… puis j’ai cru que j’étais en train de perdre la tête », confie-t-il.

Quand le cerveau décide d’inventer sa propre réalité

La vérité finit par tomber : Mark souffre du syndrome de Charles Bonnet, un trouble neurologique méconnu qui provoque des hallucinations visuelles chez les personnes dont la vision est abîmée. Rien de psychiatrique. Rien de dangereux. Juste un cerveau qui, privé d’informations claires, remplit les zones floues par des images inventées.

Dans son cas, un détail a amplifié le phénomène : une bulle d’air injectée pendant l’opération, censée favoriser la cicatrisation. En se déplaçant dans son champ de vision, elle a été interprétée comme une forme ronde, mouvante… que son esprit a transformée en poitrine généreuse. Un curieux mélange entre biologie, perception et imagination.

La disparition de Taloula… et l’ironie de la situation

Puis, aussi brusquement qu’elles sont arrivées, les visions s’estompent. Après dix jours d’intensité, Taloula se dégonfle, littéralement, au fil de la résorption de la bulle d’air. À la fin, Mark explique qu’elle ressemblait plutôt à « un homme torse nu », preuve que tout cela n’était qu’une construction approximative de son cerveau.

L’homme en rit aujourd’hui, même si une gêne subsiste. « Pourquoi cette vision-là ? Ça me donne un peu l’impression d’être un pervers », avoue-t-il, mi-amusé, mi-désabusé. Mais il se rassure : il n’a plus que sa femme bien réelle dans sa vie, même si une autre opération l’attend prochainement.

Un syndrome mal connu… mais loin d’être exceptionnel

Le syndrome de Charles Bonnet touche bien plus de monde qu’on ne le croit. Selon plusieurs travaux, il concernerait entre 10 et 15 % des personnes atteintes de troubles visuels sévères. Pourtant, beaucoup hésitent à en parler, de peur d’être pris pour des patients atteints de troubles psychiatriques.

L’histoire de Mark rappelle à quel point ce phénomène peut être déroutant, parfois comique, parfois inquiétant. Elle souligne aussi l’importance d’en parler davantage pour éviter la peur, la honte… ou l’isolement.

Et surtout, elle révèle une vérité troublante : lorsqu’il manque d’images, le cerveau est capable d’en fabriquer d’autres. Parfois innocentes, parfois extravagantes. Et parfois… très, très déstabilisantes.

Sources

The Mirror
Revue Francophone d’Orthoptie (2024)
Doctissimo (analyse médicale sur le syndrome de Charles Bonnet)