Actualités

« Stockez 100 euros en liquide » : Pourquoi on nous demande soudainement de stocker du cash à la maison ?


Et si, en cas de crise, votre seule sécurité tenait dans un billet de 20 € glissé dans un tiroir ? La BCE invite désormais chaque Européen à garder entre 70 et 100 € en liquide à la maison. Un conseil paradoxal dans une époque où l’on nous pousse vers le tout-numérique.

La Banque centrale européenne (BCE) a récemment publié une note pour le moins inhabituelle : conserver chez soi une réserve d’argent liquide. Le message officiel se veut rassurant — « Gardez votre calme et conservez de l’argent liquide » — mais il a surtout provoqué des interrogations. Pourquoi une telle injonction aujourd’hui, alors que les paiements dématérialisés dominent et que l’euro numérique est en préparation ?

La BCE explique que cette réserve d’environ 70 à 100 € par personne et par foyer doit permettre de couvrir les besoins essentiels pendant trois jours. Une mesure de précaution, selon elle, face aux pannes de courant géantes, aux cyberattaques ou aux crises sanitaires qui pourraient paralyser les systèmes électroniques.

L’ombre des crises récentes

Derrière ce message se cachent des expériences bien réelles. L’Espagne a connu en 2021 une panne électrique massive qui a mis à l’arrêt les terminaux de paiement. Durant la pandémie, la demande de billets a bondi de 140 milliards d’euros dans la zone euro, un chiffre hors norme comparé aux 55 milliards en temps normal. Dans ces moments d’incertitude, les Européens se sont tournés vers le cash comme une valeur refuge.

Même constat en France : malgré la baisse des paiements en espèces, les Français restent attachés à leurs billets. Selon une enquête Ifop, un sur dix a pourtant déjà subi un refus de paiement en liquide, preuve que la pratique est parfois entravée. Le paradoxe est donc criant : on nous pousse vers le numérique, mais lorsque tout s’écroule, c’est encore le billet de banque qui sauve la mise.

Une contradiction dérangeante

Ce qui choque dans cette recommandation, c’est sa contradiction flagrante avec les politiques bancaires actuelles. Alors que l’on ferme des guichets, que les distributeurs disparaissent et que l’euro numérique se profile, la BCE incite soudain à garder du liquide chez soi. Comment demander aux citoyens de stocker du cash alors même que son accès devient de plus en plus difficile ?

Cette ambivalence nourrit la méfiance. Pour certains économistes, l’annonce alimente plus la peur que la sérénité. Le montant conseillé — 70 à 100 € — paraît d’ailleurs bien faible au regard des besoins réels de certaines familles. D’autres pointent le risque évident de vols ou de pertes pour ceux qui conserveraient de l’argent à domicile.

Prévoir sans paniquer

La BCE insiste pourtant : il ne s’agit pas d’alarmer mais de rappeler une vérité simple, celle de la fragilité des systèmes. Aucun réseau n’est infaillible et, face à l’imprévu, quelques billets peuvent éviter bien des tracas. Reste que ce discours, venant d’une institution qui pousse par ailleurs à la dématérialisation, sonne comme un aveu paradoxal.

En fin de compte, cette recommandation ouvre un débat essentiel : dans une société qui bascule vers le numérique, voulons-nous vraiment tourner définitivement la page du cash ? Ou préférons-nous garder cette « roue de secours » qui, dans l’urgence, pourrait valoir plus qu’une carte bancaire hors service ?