Dans les couloirs feutrés du ministère de l’Économie, une modification fiscale est en train de prendre forme. Officiellement, il s’agit simplement de moderniser les données utilisées pour calculer la taxe foncière. Officieusement, cette opération pourrait faire bondir la facture de millions de propriétaires dès 2026.
Depuis plus de cinquante ans, les bases cadastrales n’avaient pas connu de mise à jour d’ampleur. L’administration estime aujourd’hui que la quasi-totalité des logements français disposent d’un confort “moderne”. Toilettes, douche, lavabo, chauffage… Même si ces informations ne figurent pas dans ses fichiers, la DGFiP les intégrera automatiquement, sans contrôle à domicile.
Cette décision fait basculer des milliers de foyers dans une situation inattendue : payer davantage pour des installations que l’État n’a jamais vérifiées, et parfois même inexistantes.
Des mètres carrés virtuels qui augmentent la note
Pour comprendre la mécanique, il faut se pencher sur la valeur locative cadastrale, la base de calcul de la taxe foncière. Chaque élément de confort équivaut à des mètres carrés “ajoutés” à la surface du logement. Ces mètres carrés ne correspondent pas à une pièce réelle, mais à un coefficient qui augmente la somme finale.
L’eau courante, l’électricité, la baignoire, la douche, le chauffage ou encore les toilettes : chaque équipement pèse dans le calcul. Une simple cuvette WC correspond à 3 m² supplémentaires. Une douche : 4 m². Une baignoire : 5 m². Dès 2026, ces équipements seront considérés comme présents dans tous les logements, même lorsqu’ils sont absents.
Pour un quart des maisons et 15 % des appartements, cette hausse sera immédiate. En Haute-Corse, elle concernera plus de 60 % des habitations. Dans l’Aude, 42 %. À Paris, un logement sur quatre.
Un coût caché que personne ne verra venir
Ce qui choque le plus, c’est la manière. Peu de propriétaires seront prévenus individuellement. Seuls ceux dont la variation sera jugée “significative” recevront un message dans leur espace personnel. Les autres n’auront aucune indication, aucun courrier, aucun avertissement.
Il faudra attendre l’avis d’imposition pour constater la différence. Le gouvernement avance une augmentation moyenne de 63 euros par logement. Une somme qui s’ajoute à la revalorisation annuelle et aux hausses locales décidées par les communes.
Pour les collectivités territoriales, la manne est énorme : près de 466 millions d’euros supplémentaires. Pour les propriétaires, c’est une nouvelle charge qui s’ajoute à des années déjà marquées par des augmentations record.
La colère monte chez les propriétaires et les syndicats
Du côté des syndicats et associations, la réaction est immédiate. Les mots sont durs. On parle de procédure “arbitraire”, d’une réforme “incompréhensible” et d’une légalité discutable. Habituellement, les données cadastrales ne sont modifiées qu’après déclaration du propriétaire ou contrôle sur place.
Là, rien de tout cela. La DGFiP prend l’initiative, partant du principe que tous les logements français sont équipés selon les standards modernes. Une vision jugée trop parisienne, loin de la réalité de certains territoires où des habitations ne disposent toujours pas d’une salle de bains complète ou d’un chauffage dans chaque pièce.
Cette mise à jour pourrait ouvrir la voie à une avalanche de contestations. Les propriétaires seront nombreux à vouloir prouver que leur logement n’est pas aussi “confortable” que ce que l’administration a décidé.
Une taxe foncière déjà en pleine explosion
Cette réforme touche un point sensible. Ces dix dernières années, la taxe foncière a augmenté deux fois plus vite que l’inflation. En 2024, elle atteignait déjà 1 072 euros en moyenne pour une maison, et 851 euros pour un appartement.
Pour de nombreux propriétaires, la pilule est difficile à avaler. Ils y voient un nouveau pas vers une fiscalité plus lourde et de moins en moins transparente. Pour les communes, c’est un moyen de compenser les économies imposées par l’État.
Entre incompréhension et résignation, un constat s’impose : dès 2026, posséder un logement coûtera encore plus cher, parfois pour des équipements que l’on possède… et parfois pour d’autres que l’on n’a jamais eus.
Sources
Ministère de l’Économie – Direction générale des Finances publiques
Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI)
CGT Finances publiques
Association des maires de France (AMF)


