Six ans après le fameux “Cheddargate” qui avait secoué le monde culinaire, Marc Veyrat n’a toujours pas digéré l’humiliation infligée par le Guide Michelin. En 2019, la perte d’une de ses trois étoiles pour sa Maison des Bois, à Manigod, avait provoqué un séisme dans la gastronomie française. Le motif ? Un soufflé au fromage dans lequel un inspecteur aurait cru déceler… du cheddar. Une erreur que le chef savoyard n’a jamais pardonnée.
« Nous n’avons utilisé que des fromages de nos montagnes : Reblochon, Beaufort et Tomme ! », avait-il protesté avec fougue à l’époque. Pour lui, cette décision n’était pas une simple rétrogradation, mais une atteinte à son honneur, à son terroir, à tout ce qu’il incarne.
Un nouveau départ, sans étoiles ni jugements
Aujourd’hui, Marc Veyrat signe son grand retour à Megève avec un établissement à son image : exclusif, authentique et affranchi. Le Restaurant Marc Veyrat accueille seulement dix-huit convives par service pour une expérience gastronomique unique à 450 euros par personne. Mais une chose est claire : les inspecteurs du Guide Michelin n’y mettront jamais les pieds.
« Je ne veux pas figurer dans le Guide Michelin, et je suis prêt à mettre un panneau dehors disant : Guide Michelin interdit », a confié le chef au Parisien. Un choix audacieux, presque révolutionnaire, dans un univers où la quête d’étoiles reste souvent la boussole des grands chefs.
Le souvenir amer du “Cheddargate”
Pour comprendre cette rupture, il faut revenir à ce moment charnière qui a tout changé. En 2019, lorsque le Guide Michelin retire une étoile à sa Maison des Bois, Marc Veyrat se sent trahi. La polémique enfle, et le “Cheddargate” devient un symbole de la fracture entre la critique gastronomique et les artisans du goût.
Le chef savoyard, blessé dans son ego et dans sa passion, ira jusqu’à porter plainte contre le célèbre guide rouge pour obtenir des explications. Une démarche inédite dans le milieu. Mais la justice ne lui donnera pas raison. Le Michelin, de son côté, parlera de “persistance déraisonnable”.
L’indépendance comme acte de liberté
Depuis, Marc Veyrat a choisi de s’émanciper du système. À l’ouverture de La Fontaine Gaillon, à Paris, en 2020, il avait déjà exprimé son envie de “cuisiner libre”. Aujourd’hui, avec son établissement de Megève, il va encore plus loin : plus de notes, plus de classements, plus de comptes à rendre.
C’est une philosophie assumée : “Je veux retrouver la vraie cuisine, celle du plaisir, pas celle de la compétition.” En bannissant le Guide Michelin de ses tables, le chef savoyard transforme son ressentiment en manifeste pour une gastronomie affranchie des codes.
Un message fort à tout le milieu culinaire
Ce refus symbolique fait grand bruit. Dans un secteur où la reconnaissance du Michelin reste le graal, le geste de Marc Veyrat sonne comme un coup de tonnerre. Certains y voient une forme de rébellion salutaire, d’autres une réaction d’orgueil. Mais une chose est certaine : son courage de dire non à une institution aussi puissante force le respect.
En refusant les étoiles, il choisit la lumière de la liberté plutôt que celle des projecteurs. Et, quelque part, il rend à la gastronomie française un parfum d’authenticité, celui des chefs qui cuisinent avec le cœur, loin des notations et des jugements anonymes.
Sources :
Le Parisien – Entretien exclusif avec Marc Veyrat (2025)
France Inter – Archives de l’affaire du “Cheddargate” (2019)
Communiqué du Guide Michelin (2019)
Le Monde de la Gastronomie – Dossier sur les chefs indépendants (2024)


