« Je suis choquée… Je ne m’attendais pas à ça en Turquie », confie en larmes une femme voilée dans une vidéo devenue virale sur TikTok et Instagram.
Venue passer quelques jours à Istanbul, elle décide de dîner au restaurant Lacivert, une adresse réputée de la rive asiatique, connue pour sa vue imprenable sur le Bosphore et sa clientèle huppée. Mais l’accueil qu’elle y reçoit vire rapidement au cauchemar.
Selon ses propos, confirmés par sa vidéo, une hôtesse lui aurait signifié que sa tenue n’était « pas conforme » aux règles de l’établissement. En d’autres termes : son voile était trop visible.
« Quand je lui ai dit que vous portiez aussi un voile, elle m’a répondu : ‘Oui, mais le mien est plus petit… plus léger' », raconte-t-elle, visiblement choquée par ce qu’elle considère comme une discrimination déguisée en règlement.
Turquie : un pays musulman… mais officiellement laïc
Le récit de cette Française a rapidement enflammé les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont exprimé leur incompréhension, leur colère, voire leur tristesse face à cette situation paradoxale. Comment, dans un pays à majorité musulmane, une femme voilée peut-elle être discriminée à cause de son foulard ?
La réponse n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît.
Depuis la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal Atatürk en 1923, le pays s’est construit sur une laïcité rigide, comparable à celle de la France. Pendant des décennies, le port du voile a même été interdit dans certaines institutions publiques, notamment à l’université ou au Parlement.
Ce n’est qu’à partir des années 2010, sous l’impulsion du président Recep Tayyip Erdoğan et de son parti AKP, que les restrictions ont été assouplies. Mais la tension entre modernité occidentale et traditions religieuses reste palpable, surtout dans les lieux huppés ou touristiques d’Istanbul, souvent plus « européanisés ».
🗣️ Réactions partagées : entre soutien et relativisme culturel
La vidéo de la jeune femme a rapidement divisé les internautes.
▶️ Certains dénoncent une islamophobie masquée, rappelant qu’aucun règlement ne peut justifier l’exclusion d’une cliente sur la base de son apparence religieuse.
▶️ D’autres, en revanche, estiment que chaque établissement a le droit de fixer ses propres codes vestimentaires, d’autant plus dans un pays où la laïcité est ancrée dans l’histoire.
🔍 Contacté par plusieurs médias locaux, le restaurant Lacivert n’a pour l’instant pas officiellement commenté l’affaire. Son site internet ne mentionne aucune règle vestimentaire spécifique, bien que le lieu soit souvent décrit comme « élégant » et « sélect ».
✈️ « C’était censé être un refuge » : le choc d’une touriste venue se sentir acceptée
Dans sa vidéo, la jeune femme confie avoir choisi la Turquie pour fuir les regards pesants qu’elle subit parfois en France. « Je pensais pouvoir être moi-même ici, voilée, musulmane, sans être jugée », dit-elle avec une profonde amertume.
Ce sentiment de trahison culturelle est partagé par d’autres femmes dans les commentaires, certaines racontant des expériences similaires à Istanbul, Antalya ou même Dubaï. D’autres, au contraire, affirment n’avoir jamais rencontré de tels refus.
📌 Ce que dit la loi turque
Contrairement à la France, la Turquie ne possède pas de loi interdisant le port de signes religieux dans les espaces publics. Toutefois, comme dans de nombreux pays, les établissements privés peuvent imposer certains codes, tant qu’ils ne violent pas les principes d’égalité et de non-discrimination.
En cas de litige, le recours juridique est possible, mais complexe pour les touristes. Il est donc difficile de savoir si cette affaire connaîtra un prolongement judiciaire.
🔚 Une polémique symptomatique d’un choc identitaire plus large ?
Cet incident soulève une question plus profonde : la Turquie est-elle toujours perçue comme un refuge culturel et religieux pour les musulmans d’Europe ?
Avec une société de plus en plus polarisée entre modernité occidentale et conservatisme religieux, ce genre d’incident risque de se répéter — et d’alimenter un climat de méfiance mutuelle.
Derrière ce refus d’entrée se cache bien plus qu’un simple malentendu vestimentaire. Il révèle la complexité d’un pays tiraillé entre tradition et modernité, et les attentes parfois idéalisées de celles et ceux qui y voient un refuge.
Comme le dit cette jeune femme, les larmes aux yeux :
« Je suis venue ici pour être libre, pas pour me sentir encore exclue. »